Edito extrait de la Lettre des Scop et Scic Auvergne-Rhône-Alpes n°9
A la demande de la Confédération nationale (CG Scop), Benoît Hamon et son équipe travaillent actuellement sur la question de la citoyenneté économique, à travers une série d’entretiens avec des coopératives dans toute la France. Qu’est-ce que la citoyenneté économique ? Comment la définir ? Est-ce une notion dont se saisissent les Scop et Scic ? Quels critères sélectionner pour mesurer la citoyenneté économique d’une entreprise, peu importe son statut ? Voici un point d'étape avec Benoît Hamon.
« Lors d’un échange avec la CG Scop, nous avons évoqué une thèse soutenue par l’économiste Thomas Coutrot : une grande partie des maux de notre société, notamment démocratiques, serait liée au fait que les citoyens et citoyennes soient dépossédé·e·s de leur libre-arbitre dans l’organisation du travail, soumis·e·s à des règles hiérarchiques verticales et exclu·e·s de la délibération des questions sur leur travail et sur l’avenir de l’entreprise. Cette non-citoyenneté expliquerait le fait que les citoyen·ne·s soient bien plus soumis·e·s aux logiques autoritaires dans l’ordre public.
Peut-on imaginer une forme de citoyenneté économique dans les entreprises ?
Mais l’inverse est-il vrai ? Peut-on imaginer une forme de citoyenneté économique dans les entreprises ? Et si oui, ruisselle-t-elle à l’extérieur de l’entreprise sous la forme d’une participation accrue, avec des travailleurs et travailleuses mieux formé·e·s ? De là, nous avons mis en place une étude nationale : les Scop et Scic font-elles du bien à la démocratie ?
Nous avons interrogé cette notion de citoyenneté économique lors d’entretiens collectifs et individuels. Par ce biais, il s’agissait de construire un modèle de citoyenneté économique inspiré des Scop et Scic.
Pour les Scop et Scic, oui, cela fait sens d’être citoyen·ne dans l’entreprise, avec une double réalité : la citoyenneté du travailleur et de la travailleuse dans son entreprise mais aussi la citoyenneté de l’entreprise elle-même et sa responsabilité écologique et sociale en faveur de l’intérêt général.
Les entretiens ont clairement fait émerger quatre dimensions principales pour définir les bases de la citoyenneté économique.
D’abord, la plus évidente, la question de la délibération collective. Les personnes salariées doivent pouvoir s’exprimer et avoir les moyens de le faire, c’est-à-dire être informées des décisions à prendre et recevoir les informations nécessaires pour mettre un avis.
Sur la table arrive ensuite la redistribution des richesses : la délibération collective ne suffit pas en elle-même. Si elle s’applique à tout sauf à cette question, c’est que nous avons là une citoyenneté amputée.
Troisième dimension : le bien-être au travail. Si une entreprise est démocratique mais produit de la souffrance au travail, alors elle dysfonctionne. Si la délibération collective ne fait pas remonter les sujets liés à la qualité de vie, alors cette démocratie est factice.
Enfin, quatrième dimension : la responsabilité sociétale de l’entreprise. On imagine mal qu’une entreprise puisse être démocratique, soucieuse du bien-être au travail et, par ailleurs, polluer allègrement sans se soucier de ses impacts sociaux et écologiques.
Voici les piliers communs autour desquels nous entendons construire un modèle de citoyenneté économique pour toute entreprise désireuse d’impliquer davantage les travailleurs et travailleuses et souhaitant répondre aux grands enjeux sociétaux. »
Benoît Hamon, en charge d'une étude nationale sur la citoyenneté économique chez les Scop et Scic, mandaté par la CG Scop.
Pour conclure cet édito, nous pourrions ajouter que la société est demandeuse d’un tel modèle avec des critères concrets. Le monde de l’entreprise ne peut plus être considéré comme à part de la société et du politique. Au contraire, il en fait partie intégrante et y joue un rôle prépondérant.